⚖️ Clauses abusives et déchéance du terme : la Cour d'appel de Dijon éclaire une zone grise depuis l’avis rendu par la Cour de cassation le 11 juillet 2024
Cour d’appel de Dijon - 1ère chambre civile - arrêt du 30 septembre 2025 - N° RG 24/00526 :
Par une motivation aussi rigoureuse que pédagogique, la Cour d’appel de Dijon a rendu une décision particulièrement éclairante sur la délicate articulation entre clauses abusives et mise en œuvre de la déchéance du terme dans les contrats de prêt. Une affaire qui, bien au-delà du cas individuel de cet emprunteur, vient rappeler les contours du droit positif applicable à ces mécanismes contractuels sensibles.
🔎 Les faits : une clause d’exigibilité avec une rédaction contestable, mais une mise en œuvre conforme aux impératifs européens et nationaux
Dans cette affaire, le contrat de prêt prévoyait une clause qui permettait au PRETEUR de se prévaloir de l’exigibilité anticipée des sommes prêtées, de plein droit, en cas de défaut de paiement à bonne date de tout ou partie d’une échéance.
Dans les faits, le PRETEUR a adressé à l’EMPRUNTEUR une mise en demeure prévoyant que le défaut de régularisation de l’impayé dans le mois suivant ladite mise en demeure entraînerait l'exigibilité immédiate de l'intégralité de la dette.
❓La Cour devait se positionner sur le caractère abusif ou non de cette clause et ainsi déterminer si le PRETEUR était titulaire d’une créance exigible, ce dernier réclamant le remboursement des échéances impayées et du capital restant dû.
📖 Une clause abusive au sens du droit de la consommation
En rappelant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment l’arrêt de la première chambre civile du 22 mars 2023 (n°21-16.044), la Cour d’appel souligne que ce type de clause est abusive. En effet, la mise en œuvre automatique, sans mise en demeure préalable, aggrave considérablement la position de l’emprunteur, le privant de toute possibilité de remédier à sa situation financière avant que le prêt ne soit intégralement exigé.
La clause est donc réputée non écrite.
💡Une déchéance du terme régulièrement acquise au regard du droit commun
Mais l’intérêt majeur de la décision réside dans la distinction opérée par la Cour entre l’existence d’une clause abusive et les droits du prêteur fondés sur le droit commun. La juridiction dijonnaise a en effet jugé que, bien que la clause contractuelle soit inopposable, la déchéance du terme pouvait néanmoins être valablement prononcée sur le fondement du droit positif.
Elle s’appuie ici sur une jurisprudence ancienne mais toujours pertinente (notamment Civ.1re, 13 octobre 1998, n°96-21.485), selon laquelle une partie à un contrat peut y mettre fin unilatéralement, sans décision de justice, en cas de manquement suffisamment graves, sous réserve d’avoir mis en demeure l’autre partie et respecté un délai raisonnable.
✅ Une application rigoureuse du droit commun des contrats
En l’espèce, la Cour a constaté que :
En conséquence, la déchéance du terme a été prononcée de manière régulière, en conformité avec les exigences du droit commun, désormais codifiées aux articles 1224et 1226 du Code civil depuis l’ordonnance du 10 février 2016.
🧩 Enjeux pratiques et portée de la décision
Cette décision vient rappeler aux établissements prêteurs que :
Elle offre également aux établissements prêteurs un levier de défense efficace : l’invocation de clauses abusives peut permettre de neutraliser des mécanismes contractuels indispensables au PRETEUR en cas de défaillance de l’EMPRUNTEUR. Pour autant, les conditions dans lesquelles le PRETEUR prononcera l’exigibilité anticipée du concours financier sera apprécié in concreto.
Ce qui doit être salué.
📌 Conclusion
La motivation retenue par la Cour d’appel de Dijon illustre avec finesse l’équilibre à préserver entre la protection du consommateur et le respect des droits du créancier. En reconnaissant le caractère abusif de la clause sans pour autant priver le prêteur de la faculté d’agir sur le fondement du droit commun, la juridiction démontre une compréhension fine et nuancée des enjeux contemporains du droit des contrats de prêt.
Le 1er octobre 2025,
Amourdavelly Mardénalom